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MIKAPABST REDACWEB
8 septembre 2021

que pensez-vous de se détendre en lisant une petite nouvelle de mon cru ?

666 : CODE CICATRICE

 

 

 

Mon nom est Angus de Fébricule, je suis né le 6 juin 1966, en Provence, dans cette bonne ville d’Avignon, que je n’ai jamais quittée.

 

Ma vie jusque là s’est déroulée sans encombre, aucune maladie ni malheur notoire, mais aucun bonheur non plus, comme un film sans grand intérêt qu’on regarde passif en attendant la fin.

 

Je n’ai ni enfant, ni femme, et c’est ce qui, à mon âge, me manque certainement le plus.

Je connais pourtant celle qui pourrait changer mon horizon terne et blafard et qui saurait certainement me donner de beaux enfants, elle s’appelle Michelle et vit de l’autre côté de la rue.

 

Je la vois ou plutôt la croise tous les matins depuis 3 longues années. J’aurais pu, depuis longtemps,  l’aborder, mais la triste vérité est que tous mes efforts pour entrer en contact avec elle sont immédiatement annihilés par une timidité maladive qui me ronge de plus en plus.

 

J’ai même essayé de coucher sur papier les sentiments que j’éprouve pour elle, mais dès lors que je m’approche de sa boîte aux lettres, je suis pris de tremblements, mes mains sont moites et je range dans ma poche ma déclaration épistolaire pour la brûler aussitôt rentré chez moi.

Quand on y réfléchit, il s’agit du plus idiot des comportements, au mieux je nagerais dans le bonheur, au pire elle refusera, il ne s’agit pas là d’une affaire d’Etat …

 

Je vais laisser tomber l’écriture et me faire violence pour lui parler face à face.

Enhardi par une sorte de force du désespoir, je traversai la rue et sonnai à sa porte.

Chaque seconde qui s’égrenait augmentait mes pulsations cardiaques, je fixai frénétiquement la poignée de la porte comme s’il s’agissait d’un couperet prêt à s’abattre.

Puis, mon cœur se mit à ralentir, je me sentis mieux. Tout à coup, j’avais compris qu’elle avait dû s’absenter et je rentrai chez moi.

Une fois à l’intérieur, je me sentis tout penaud, comme un jeune boxeur qui est passé à côté du match de sa vie parce qu’il a refusé de combattre.

Le mieux-être que j’avais éprouvé plus tôt se transformais peu à peu en honte, en mépris de moi-même.

J’avais l’impression que rien ne pouvait changer ce destin de solitude, personne ne serait jamais assez fort pour briser les remparts que je construisais tout autour de moi.

 

La nuit était chaude ce soir-la, je décidai d’ouvrir la fenêtre pour respirer un peu.

Regardant les étoiles, j’émettais un SOS, une prière à qui l’entendrait, n’importe qui, n’importe quoi pourvu qu’il ou elle m’aide à changer d’existence…

 

lorsque mon regard s’attardait sur une étoile, un immense nuage obscur envahit la nuit, pourtant claire jusque là.

Le voile sombre avançait à une vitesse affolante, plus il avançait, plus on entendait le cri perçant de je ne sais quel oiseau nocturne. Enfin, je vis de quoi il s’agissait, un nuage de corbeaux, des centaines, des milliers déchiraient le ciel à vive allure.

Soudain, le nuage sembla se figer, à quelques dizaines de mètres de la rue.

Une lumière vive le transperça, puis se mit à grandir, il m’était impossible d’en distinguer la source mais une chose était sure, elle s’approchait peu à peu …

Mon sang commençait à se figer dans mes veines, j’avais déjà peur de parler à une jeune fille, alors imaginez l’effet d’une telle apparition …

Je ne pouvais faire autrement que de fixer cette lumière étrange qui, à quelques mètres de moi se transforma bientôt en un immense faisceau rouge sang.

Il toucha mon visage et une chaleur intense s’empara de tout mon corps.

Je me réveillai un instant plus tard, allongé sur le sol, me précipitai à la fenêtre …

Tout était fini, le ciel avait retrouvé la clarté qu’on lui connaît en été dans le Sud de la France.

Je fermai la fenêtre fébrilement et, me retournant vers la cuisine, je le vis.

Un homme d’une trentaine d’années, vêtu d’un smoking sombre me faisait face.

Des cheveux longs et noirs couraient sur ses épaules, il me sourit et s’avança.

 

- Qui êtes-vous ? demandais-je inquiet.

 

-       On me donne tant de noms, mon bon ami … Tout ce que tu dois savoir est que je suis là pour t’aider.

-       Mais …

 

 

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase, il mit une main sur mon épaule et s’exclama :

 

-       Elle est belle Michelle, et tu sais, elle est attirée par toi, mais si tu ne fais rien elle s’en ira avec un autre, son destin n’est pas de rentrer au couvent. Je peux t’aider si tu veux, mais seulement si tu le veux de toute ton âme.

-       Je ferai tout ce qu’il faut. répondis-je immédiatement.

 

Il prit alors mon avant-bras, une grosse chevalière en or sur laquelle était gravée une croix retournée ornait son majeur gauche.

Il fixa mon regard de façon si intense qu’on aurait cru qu’il pouvait voir au plus profond de mon âme, l’ongle de son pouce entra dans la chair de mon abdomen qu’il entailla profondément. Au fur et à mesure que son ongle déchirait mon épiderme la plaie brûlait, se cautérisant instantanément, la souffrance étant à son comble, je m’évanouis.

 

C’est au petit matin qu’un doux baiser me sortit du sommeil, Michelle était là.

 

-       Tu as bien dormi, mon chéri ? s’enquit-elle

 

Je n’en croyais pas mes yeux, je me levai sans un mot,  cette chambre n’était pas la mienne, blanche et aseptisée, c’était une chambre d’hôpital.

 

-       Que s’est-il passé ?

-       Une petite crise d’appendicite ce n’est rien, mon chéri. Tu auras une belle cicatrice mais c’est tout.

-       Et les corbeaux, l’homme en noir ?

-       L’anesthésie ! déclara le chirurgien qui venait d’entrer dans la chambre.

 

Sur le trajet du retour, je décidai de confier à Michelle le mauvais rêve que j’avais fait pendant l’opération, elle sourit puis me caressa la joue.

 

Arrivé à la maison, il me semblait n’avoir jamais vécu à cet endroit, la bastide en rase campagne dans laquelle j’avais été conduit me paraissait totalement inconnue.

Je fouillai dans ce que je supposai être mon armoire, tous mes vêtements étaient là, bien ordonnancés comme rangés par une logique féminine.

Tout était de plus en plus confus dans mon esprit.

Suis-je avec Michelle depuis aussi longtemps qu’il me semblait la désirer ?

Ai-je tout rêvé ou suis-je, au contraire, actuellement en train de sommeiller ?

Aucune réponse ne me venait …

Je décidai de soulever ma chemise pour vérifier les stigmates de l’intervention.

 

Une cicatrice d’opération de l’appendicite mesure 2 à 3 centimètres, la mienne partait du nombril pour se terminer sur la hanche. De plus, la plaie était toute boursouflée, comme cautérisée à très vive chaleur, une chaleur intense, hors du commun.

 

Ce détail m’intrigua au plus haut point, aussi je décidai de rencontrer le chirurgien qui m’avait opéré.

J’obtins un rendez-vous aussi rapide que surprenant : il me convoquait le jour même dans son bureau.

 

-       Je suis heureux de vous revoir, mon bon ami ! déclara t-il à l’instant où je passai

l’embrasure de la porte.

 

 

 

Un frisson de terreur se mit à courir le long de ma nuque lorsque j’entendis ces 3 mots « Mon-Bon-Ami », ils me rappelaient trop la nuit passée, cette nuit décidément très étrange.

Il ne ressemblait pourtant pas à mon visiteur. Ses yeux étaient clairs, ses cheveux étaient courts et d’un roux qui faisait penser aux imageries Vikings.

 

-       Votre cicatrice vous dérange, c’est bien ça ? demanda t-il en souriant de façon singulière.

-       Ce n’est pas une cicatrice chirurgicale, n’est-ce pas ?

 

Le chirurgien croisa les doigts sur son bureau, je baissai les yeux, il portait la même chevalière que mon mystérieux visiteur.

 

-       Il s’agit du stigmate du souvenir, le souvenir de la nuit dernière, celle des corbeaux, celle de notre arrangement, mon bon ami. répondit-il comme satisfait.

-       Mais …

-       Oh ! Ne t’en fais pas, tu vivras vieux et heureux aux côtés de Michelle, grâce à moi et vous aurez de beaux enfants, je viendrai seulement te rendre visite à ton dernier souffle, lorsque tu n’auras plus besoin de rien. J’ai seulement ôté la cicatrice purulente qui te rongeait le cœur depuis si longtemps pour en faire une propre un peu plus bas …

 

Il avait peut-être raison. Vaut-il mieux réussir sa vie sur terre, on la sait courte mais concrète, ou accomplir son existence dans l’au-delà, certes éternelle mais totalement improbable ?

 

Je préférai opter pour la première solution.

 

Angus posa le stylo à plume qui venait de servir à coucher sa vie sur papier et referma son journal intime, rédigé quelque peu sur le tard.

A 102 ans, il vivait désormais dans une maison de retraite non loin de sa ville natale.

Il se remémorait chaque jour tout le bonheur qu’on lui avait donné et auquel il n’aurait jamais pensé prétendre.

Sa femme aimante au dernier comme au premier jour, ses enfants, ses petits enfants et une réussite professionnelle totalement inattendue.

Puis il pensait à sa douce Michelle, arrachée à la vie il y avait maintenant 2 ans.

Angus avait tout fait pour elle, et peut-être un peu trop. Arrivé au crépuscule de sa vie, il se posait de plus en plus de questions sur son choix.

 

Perdu dans ses souvenirs, Angus ne vit pas qu’une étoile brillait plus que les autres ce soir, il entendit seulement les hurlements stridents de milliers de corbeaux qui approchaient.

Il comprit alors qu’Il était là. Le visiteur venait chercher son tribut.

Le vieil homme se coucha à plat dos sur son lit, abaissa doucement les paupières et, posant la main sur sa cicatrice abdominale, il chuchota dans un soupir d’apaisement : « Je suis prêt ».

 

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